Je souffre de me comparer aux autres.

8/9/2023  Rencontre avec Vénérable Pomnyun Sunim (8) Vancouver, Canada

C’est aujourd’hui le huitième jour de la tournée de conférences 2023 du Dharma à l’étranger de Vénérable Pomnyun Sunim.

À 18 h 30, Vénérable Pomnyun Sunim est arrivé au Nikkei Center, où se déroulera la conférence de ce soir.

À 19 heures, les 440 sièges disponibles étaient tous occupés. En raison du règlement strict du Centre, toutes les autres personnes ont été refusée. Beaucoup sont rentrées chez eux, déçus, et certains se sont jurés que la prochaine fois, ils viendraient plusieurs heures à l’avance pour être sûr d’avoir une place.

– Avec la pandémie de COVID-19, cela fait quatre ans que je ne suis pas venu ici. Comment allez-vous tous ? Levez la main si vous êtes décédés pendant cette période ? (Rires)

Je vois qu’aucun d’entre vous n’est décédé. Quant à moi, j’ai beaucoup travaillé dans les champs de culture pendant la pandémie, vivant dans une école, qui a fermé ses portes depuis longtemps et que nous avions louée près de Gyeongju. Pendant trois ans, je ne me suis guère aventuré plus loin. Puis, à l’automne dernier, j’ai visité l’Inde, les Philippines et d’autres endroits où nous menons des actions humanitaires. Au début de cette année, nous avons repris le pèlerinage en Inde. Au printemps, j’ai visité 12 pays d’Asie du Sud-Est, et cet automne, je parcours l’Europe et l’Amérique du Nord pour nos rencontres. C’est merveilleux de vous voir et de vous rencontrer.

Sunim a ensuite répondu aux questions du public. Quatorze personnes avaient demandé de poser leur question lors de l’accueil, et neuf questions ont été posées pendant les deux heures. L’une des personnes interrogées a demandé comment elle pouvait trouver le bonheur parce qu’elle souffrait de se comparer constamment aux autres.

Je souffre de me comparer aux autres par habitude.

Je suis troublée car je me compare aux autres. J’ai maintenant la cinquantaine et, après mûre réflexion, j’ai repris mes études. Je m’inquiétais de savoir si je serais capable de suivre les cours parce que je n’avais pas de confiance dans mon anglais et que je m’inquiétais aussi à propos de mon âge. Alors, avant d’aller en classe, j’ai acheté les manuels et j’ai étudié dur à l’avance, ce qui a rendu les cours très faciles. Avec ma confiance retrouvée, j’ai pris la résolution de viser une note parfaite dans toutes les matières et de devenir une légende dans cette école. J’ai étudié sérieusement, en limitant même mon temps consacré aux repas. Lors du premier examen, j’ai fait une seule erreur sur les 50 questions. Une seule réponse erronée était quelque peu pardonnable, mais j’ai découvert plus tard qu’à part moi, deux autres élèves de la classe avaient également raté une seule question. J’étais très contrariée d’avoir raté l’occasion d’obtenir la note parfaite en faisant une erreur sur une question facile, et je me suis sentie frustrée pendant deux jours entiers.

En outre, l’élève assis à côté de moi passe du temps avec sa famille et participe activement aux activités de l’église, et pourtant ses notes sont meilleures que les miennes. Alors que je me consacre entièrement à mes études, c’est injuste et je me sens découragée. Le désir d’exceller et de gagner peut être une force motrice pour moi, car je veux faire mieux que les autres. Cependant, j’en souffre également. Comment puis-je développer un état d’esprit qui ne soit pas trop attaché aux résultats ?

– Abandonnez votre avidité. (Rires) Par exemple, disons que je participe à un sprint de 100 mètres contre un jeune homme. Il parcourt les 100 mètres en 13 secondes, alors que je le fais en 25 secondes. Même si je m’entraîne jour et nuit pendant que le jeune athlète s’amuse, puis-je le battre ? Est-ce que cela signifie que je suis inférieur parce que je ne peux pas battre le jeune athlète ?

Non, cela ne veut pas dire que vous êtes inférieur. Ce n’est même pas quelque chose que l’on peut comparer. Je pense que vous ne vous contentez pas d’être cupide, mais vous êtes aussi un peu bête. (Rires)

Au début, quand j’ai entendu dire que les études à votre âge étaient devenues plus faciles grâce à votre préparation, j’ai pensé : “Cette personne est incroyable”. Mais en continuant à vous écouter, j’ai appris que vous aviez pris la résolution d’obtenir une note parfaite et de devenir la meilleure élève. Votre courage est louable, mais il semble excessivement avide.

C’est une bonne chose que vous vous lanciez le défi d’obtenir une note parfaite. Cependant, essayer de surpasser des individus plus jeunes et être jaloux parce que d’autres étudiants excellent tout en s’amusant entre dans la catégorie de l’envie. Depuis la nuit des temps, l’envie est considérée comme l’un des péchés. Ce que je veux dire par “l’un des péchés”, ce n’est pas que c’est mauvais, mais que c’est une action qui nous tourmente beaucoup.

Ne soyez pas jaloux, faites de votre mieux. Entrer à l’université à la cinquantaine est déjà remarquable. Ce seul fait peut faire de vous une légende. De plus, si vous devenez un étudiant exceptionnel, vous deviendrez une légende parmi les légendes. Il n’est pas nécessaire d’être le premier pour le devenir.

– Financièrement, je suis à un niveau où je peux vivre confortablement sans avoir à me battre. Mais il y a quelques jours, je me suis sentie très mal après avoir rencontré un ami que je connais depuis longtemps. Je ne savais pas qu’il avait autant d’argent. Il m’a dit qu’il en avait déjà assez pour vivre jusqu’à sa mort parce qu’il avait investi l’argent que ses parents lui avaient donné. Lorsque j’ai entendu cela, je me suis sentie très mal et j’ai passé deux jours à souffrir. Que dois-je faire ?

– Ne vous inquiétez pas, vous avez aussi assez d’argent pour vivre jusqu’à votre mort. La seule différence est que votre ami peut dépenser 10 000 dollars par mois et avoir assez d’argent pour toute sa vie, tandis que vous, vous pouvez dépenser 1 000 dollars par mois et avoir assez d’argent pour toute votre vie.

– Mais je veux dépenser 10 000 dollars par mois !

– Si vous dépensez 10 000 dollars par mois, cela devrait être considéré comme un crime. La planète est confrontée à une crise climatique. Quelle est la principale cause de la crise climatique ? Les gens consomment trop. Ceux qui ont des habitudes de consommation excessive ne devraient pas être considérés comme des modèles, mais plutôt comme les coupables qui contribuent à cette crise. Il faudrait rendre la consommation excessive illégale au regard de la loi.

Même si un assassin peut bénéficier d’une libération conditionnelle, il est tout de même condamné à une peine d’emprisonnement d’au moins 10 ans. Cependant, ceux qui s’engagent dans une consommation excessive provoquent en cumulant la mort de milliers voire de millions de personnes. Par conséquent, la surconsommation devrait être considérée comme un crime grave. La norme sociale doit progressivement évoluer dans ce sens. Dans un contexte de crise climatique, la surconsommation devrait être considérée comme un but à combattre par des mesures juridiques.

Pour atténuer la crise climatique, nous devrions fixer un plafond à la consommation, en autorisant les individus à posséder des richesses mais en fixant une limite à ce qu’ils peuvent dépenser en un mois. Des lois devraient être promulguées stipulant que “le dépassement d’un certain montant de dépenses mensuelles constitue un crime qui conduit à l’anéantissement de l’humanité”.

Ce n’est qu’à cette condition que nous pourrons espérer prévenir la crise climatique actuelle. Dans le cas contraire, l’humanité risque de s’éteindre. Par conséquent, la surconsommation ne devrait jamais être admirée. Votre déclaration revient à vouloir imiter un tel crime, tout comme vous voulez imiter un toxicomane. Si l’un d’entre vous ici présent, envie ceux qui ont beaucoup d’argent qui se livrent à la surconsommation, il admire essentiellement ce crime.

Beaucoup d’entre vous qui vivent ici à Vancouver ont récemment beaucoup souffert des incendies de forêt provoqués par le changement climatique, n’est-ce pas ? Même après avoir vécu un tel désastre, il semble que vous ne soyez toujours pas revenu à la raison. Combien de souffrances, l’humanité devra-t-elle encore endurer avant de retrouver la raison ? La surconsommation ne devrait jamais être admirée. Au contraire, nous devrions cultiver une réflexion qui la condamne.

– Je comprends. Je suis également très préoccupée par l’environnement. Je vivrai modestement. Je vous remercie.”

– Est-il plus facile de ne pas dépenser de l’argent quand on n’en a pas beaucoup ? Ou est-ce plus facile de ne pas dépenser pour le bien de la planète même quand on a de l’argent ? Il est beaucoup plus facile de ne pas dépenser quand on n’a pas d’argent. Quand on a beaucoup d’argent mais qu’on ne peut pas le dépenser alors qu’on le voudrait, cela peut aussi être une source importante de souffrance.

Je considère notre adhésion continue au consumérisme comme une “addiction à la consommation”. Il s’agit d’un problème qui ne peut même pas être comparé à la toxicomanie en raison de l’ampleur de ses effets néfastes. C’est pourquoi il est essentiel que nous nous libérions de la dépendance à la consommation. En Europe, la culture des jeunes générations a complètement changé. Si les parents préparent un repas somptueux à la maison, les enfants n’en prennent qu’une petite portion et s’en vont. Je connais quelqu’un dont le fils est en deuxième année de lycée et qui refuse d’acheter de nouveaux vêtements et va à l’école avec des chaussures usées. Les parents ont beau insister pour qu’il achète de nouveaux vêtements, il n’écoute pas. Dans certaines régions, ces comportements font partie de la culture scolaire.

Tout comme la culture hippie dans le passé, les jeunes d’aujourd’hui créent une culture différente de celle des générations précédentes, à l’ère de la crise climatique actuelle. Il ne s’agit pas seulement d’enfants issus de familles pauvres, mais aussi de ceux issus de familles riches. J’ai eu une question similaire lors d’une conférence sur le Dharma en Europe l’autre jour. Les parents préparent des repas généreux pour leurs enfants, mais ceux-ci ne les mangent pas. Ils ont dit qu’ils ne prenaient qu’un concombre et une pomme de terre bouillie pour le petit-déjeuner avant d’aller à l’école. Les parents qui ont posé la question se sont sentis bouleversés.

Ce qui était considéré comme important auparavant ne cesse de changer. Il y a quelques jours, lors de la conférence sur le Dharma à Paris, une femme a dit qu’elle ne supportait pas que son mari ne prenne pas de douche. Je lui ai alors répondu : “Un saint est arrivé dans votre foyer”. Cela signifie qu’un saint qui essaie de sauver le climat est apparu. Trop se laver n’est pas bon pour le corps. Aux États-Unis en particulier, les gens ont tendance à se laver trop souvent et à avoir des habitudes de consommation excessive. Ils consomment à un tel point que cela devrait être considéré comme un crime et être puni, et ils ne pratiquent même pas le recyclage.

Aujourd’hui, l’humanité court à sa perte à cause du consumérisme. Si nous regardons l’histoire, de nombreux monarques et dirigeants de l’Antiquité ont mené leur pays à la ruine à cause de la surconsommation. Les gens de l’époque ont peut-être admiré ces dirigeants, mais au bout du compte, leurs actions ont conduit à la chute des nations et à la souffrance des populations. De même, la surconsommation accélère la crise climatique et plonge l’humanité dans l’agonie. Nous ne devrions jamais admirer le consumérisme. Au lieu de nous sentir inférieur en l’enviant, d’abord il faut corriger notre propre vision de la vie.

Lorsque je vois quelqu’un vivre dans une grande maison, ma première pensée est : “Faire le ménage, ça doit être très dur”. Je ne me dis jamais : “J’aimerais bien vivre dans une maison comme celle-là”. Si vous voulez des chambres spacieuses, pourquoi ne pas dormir dans une salle de classe ? Quelle est la taille des salles de classe, après tout ? (Rires)

Notre vision du monde doit changer maintenant. Avec la vision du monde que nous avons eu jusqu’à présent, nous ne pouvons pas surmonter la crise climatique. Combien de morts et de souffrances faudra-t-il encore pour que nous comprenions que cette façon de faire est vraiment mauvaise ? Pendant la guerre de l’opium, les Chinois n’ont reconnu les dangers de l’opium qu’après en être devenus dépendants. Cependant, les sages devraient être prévoyants et reconnaître les dangers à l’avance, en disant : “Cela va vraiment nous mettre en danger”. Mais en fin de compte, je pense que les gens ne se réveilleront qu’après la mort de plus de la moitié d’entre nous.

Aujourd’hui, avec la guerre entre l’Ukraine et la Russie et l’escalade de la concurrence entre les États-Unis et la Chine, l’attention mondiale portée à la crise climatique continue de diminuer. Alors que les conflits et les rivalités reviennent sur le devant de la scène, la crise climatique pourrait devenir inéluctable. Ce n’est peut-être qu’après avoir subi des dommages considérables que les humains se rendront compte de leur folie.

N’enviez donc jamais ceux qui consomment de manière extravagante et ne les critiquez pas non plus. Plaignez-les plutôt.  Pensez : “Oh, pauvres âmes. Les asticots reviennent sur le tas de fumier’, ils sont « ignorant » et ne se rendent pas compte de ce qu’ils font.

– Je me préoccupe également de l’environnement et j’apprécie donc beaucoup ce que vous avez dit sur le fait que la consommation excessive n’est pas bonne pour le climat. Je me souviendrai que c’est une bonne chose de ne pas avoir beaucoup d’argent, car alors je ne dépense pas beaucoup. Je vivrai ma vie sans envier les autres. Merci.

– Désormais, nous devrions rivaliser non pas pour savoir qui consomme le plus, mais pour savoir qui consomme le moins. Ceux qui consomment moins doivent être respectés et susciter l’envie des autres. Si nous faisons cela, nous pourrons rapidement atteindre le zéro carbone. Pour l’instant, nous sommes tous coincés dans le consumérisme, ce qui explique que cela ne se produit pas.

– Je m’assurerai de garder cela à l’esprit.

Après avoir terminé la conversation, Sunim a fait part de ses remarques finales.

– Ne sacrifiez pas le futur pour le présent, mais ne sacrifiez pas non plus le présent pour le futur. Nos vies sont tout aussi importantes aujourd’hui qu’elles le seront plus tard. Ainsi, quoi que nous fassions, cela doit être bon maintenant et bon plus tard, bon pour moi et bon pour les autres. C’est ainsi que nous nous rapprochons de la vérité et de la manière de vivre une vie durable.

Ne sacrifiez pas le présent pour l’avenir, et ne sacrifiez pas l’avenir pour le présent. Ne sacrifiez pas les autres pour vous-même, et ne vous sacrifiez pas pour les autres. Vivre heureux, c’est bon pour les autres, et aider les autres, c’est bon pour soi-même. Avec cette perspective, vous pouvez vivre une vie un peu plus légère.

Demain matin, Sunim prendra le thé avec Ajahn Nisabho, un moine enseignant la méditation à Seattle, puis se rendra à la cathédrale épiscopale Saint-Marc pour tenir une conférence avec une interprète en anglais.

Dans l’après-midi, Sunim s’envolera pour la ville d’Orange, situé au sud de Los Angeles, en Californie.